J'ai lu "Anarchy alive ! Les politiques antiautoritaires de la pratique à la théorie" de Uri Gordon

Une écologie au sens plein du terme est porteuse d'implications en terme de pratiques sociales, y compris pour les mouvements qui en sont porteurs. Un capitalisme écologique est une contradiction dans les termes ; on pourrait probablement argumenter qu'il en va de même d'un État écologique. Il est en tout cas certain que les mouvements écologiques/sociaux contemporains puisent, consciemment ou non, dans le vaste répertoire de pratiques antiautoritaires, autrement dit visant à la réduction/suppression volontariste des hiérarchies.

Dans ce livre roboratif et limpide, Uri Gordon, activiste expérimenté et universitaire, fournit avec succès des outils théoriques en prise sur les pratiques réelles et certains débats de fond qui animent une part des mouvements militants. Vraie (res)source intellectuelle pour militant, activiste ou citoyen désireux d'agir, toute la démarche de Gordon est fondée sur les apports spécifiques d'une culture militante an-archiste au sens large, c'est-à-dire menant une réflexion politique consciente sur les questions de hiérarchie, notamment internes aux mouvements sociaux eux-mêmes. Inutile, donc, de se penser soi-même comme anarchiste, avec ou sans majuscule, pour que la lecture soit fructueuse.

L'auteur commence par présenter certains traits marquants de la culture politique de l'anarchisme et de son actualité, par delà les stéréotypes. À raison, il consacre un des six chapitres à la question du pouvoir au sein des mouvements sociaux, livrant une analyse synthétique fort utile sur les trois types de pouvoir (sur / de / avec) et leurs incidences.

Trois chapitres thématiques viennent compléter l'ouvrage, abordant chacun un sujet de débat réel au sein des mouvements écologiques et anarchistes. Le premier aborde de façon détaillée et nuancée la question de la violence, et il s'agit à n'en pas douter d'un apport théorique d'une rare qualité sur cette question. Le second se confronte au rapport ambivalent des militants anarchistes à la technologie, question qui se pose tout aussi bien aux écologistes ; cette question est notamment réfléchie au prisme de l'utilisation d'internet, technologie favorisant à première vue la décentralisation chère à l'anarchisme. Les nanotechnologies sont également l'objet de plusieurs apports théoriques et prospectifs du plus grand intérêt.

Quant au dernier chapitre, Gordon y développe la question du rapport des anarchistes aux luttes de libération nationale ; israélien et impliqué dans les mouvements anarchistes en lien avec la résistance civile palestinienne, Gordon est particulièrement bien placé pour livrer là, à nouveau, des analyses originales, nuancées, loin du manichéisme qu'il identifie dans certains écrits « anarchistes avec un A majuscule ».

Xavier Rabilloud, initialement publié en mai 2013 dans la revue Silence n°412 (p.43).

Anarchy alive ! Les politiques antiautoritaires de la pratique à la théorie
Uri Gordon, trad. Vivien García
Atelier de Création Libertaire, 2012
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Cet article a été mis à jour le 3 janvier 2022